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Chronique 15 - Lancer la spirale de la performance durable  : l'acte unique Animer un collectif sur la durée suppose de comprendre ce qui relie ses composantes entre elles.

Pour continuer à vivre ensemble et réussir ensemble, chaque acteur doit contribuer à mieux capter tous les signaux de contraintes et d'opportunités. Cette « veille sociale partagée » devient le moyen de générer une culture d'innovation utile à tous et donc acceptée par tous. Pour construire la capacité de transformation de chacun il faut souvent une révolution des structures, toujours précédée d'une révolution des esprits.

Comprendre et transformer le contexte

Transcender les intérêts particuliers n'est possible qu'en s'extrayant de l'actualité immédiate, en dépassant son passé personnel pour se projeter dans un futur commun. La question devient alors : « A quoi servirons-nous ensemble, demain, à autrui ? ». Ceci suppose de se tourner vers l'extérieur, vers ceux à qui l'on rend service, ceux qui bénéficient de notre travail, ceux qui justifient notre existence et notre raison d'être. Ceux-là sont des clients, des citoyens, des personnes : il s'agit donc de formuler une vision de la société et du rôle que l'on veut y jouer, puis de leur proposer des modalités d'implication correspondant à leurs possibilités réelles et perçues. Pour que chacun adhère et participe à un nouveau contrat relationnel, il faut que tous en partagent la même définition. Ceci revient à réaliser une évolution profonde de son identité, sinon une révolution identitaire.

Ainsi, dans cette logique de 17 juin et du 4 septembre, il suffit souvent de ne prendre qu'une seule décision consistant à préciser et redéfinir ce que nous sommes pour déclencher des décisions en cascade à tous les niveaux et par toutes les composantes du corps social. Il s'agit d'affirmer à la fois un éthos, fondement profond du caractère à travers lequel il est possible de lire l'ensemble de son passé, et un télos, raison d'être et finalité qui orientent tous les actes à venir.

La clé du changement : la révolution identitaire

L'abbé Sieyes est le père fondateur de la Révolution française pour avoir exposé la clé dans son essai « Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? », et l'avoir activée le 17 juin 1789. Partant du constat du décalage entre le poids démographique du Tiers-Etats (98%) et son poids politique (un tiers des voix seulement, un tiers relevant de la noblesse et un autre tiers du clergé), il amène le Tiers Etat à se proclamer Assemblée nationale. Instantanément, les acteurs de cette révolution identitaire portent un regard transformé sur leur environnement et leurs marges de manœuvre. La responsabilité nouvelle qui en découle et leur incombe les conduit à enchainer en quelques semaines des décisions restructurantes : prise de la Bastille le 14 juillet, abolition des privilèges dans la nuit du 4 août, Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen les 24 et 25 août.

Léon Gambetta est le fondateur de la IIIe République, pour avoir proclamé le 4 septembre 1870 la chute de l'Empire, la naissance de la République et la continuation de la guerre contre la Prusse.

Mais gare au changement de prisme s'il n'est pas accompagné d'une méthode d'absorption de la vague qui en découle : 1789 amène la Terreur de 1793, le 4 septembre 1870 amène la Commune. Dans les deux cas : de nombreux morts et un resserrement du système sur lui-même.

Le changement contient des risques maîtrisables seulement par la maîtrise de la réflexion collective.

Impliquer tous les acteurs

L'affirmation claire d'un sens partagé et donc inclusif de toutes les parties prenantes, sans exception, permet d'éclairer les logiques d'actions collectives et individuelles. Si la formulation d'une vision globale revient au décideur, ses déclinaisons opérationnelles relèvent de la responsabilité de chacun, selon ses moyens et son statut.

Chacun peut alors être appelé à répondre à des questions clés :

  • Moi, citoyen, à quoi je sers tant sur le plan professionnel et sociétal, outre mes enjeux individuels ?
  • Moi, organisation (entreprise, syndicat, administration, ONG...), quel est mon objet social, à quoi j'œuvre et contribue, outre mes enjeux collectifs et le souci de ma rentabilité financière ?
  • Moi, société, comment j'intègre et j'associe tous les acteurs dans la quête de l'intérêt général à long terme ?

Le projet global peut alors être mis en débat : il fournit un cadre à la fois protecteur et générateur d'initiatives, tout en constituant le support de la coopération sociale. A travers lui, les acteurs dégagent eux-mêmes les conditions auxquelles les personnes, les entreprises et la société pourront conjuguer leur part de responsabilité, voie du développement économique, du réussir ensemble, avec plus de solidarité et de cohésion sociale pour mieux vivre ensemble.

Le rôle du dirigeant : faire réfléchir ensemble

Cette mise en débat suppose de savoir donner la parole sans pour autant donner raison, mais pour bâtir un raisonnement partagé et générateur de constats et de propositions communes. Le dirigeant doit adopter une posture d'écoute, mais aussi être capable de tout entendre. Alors, par effet miroir et mimétique, les dirigés entrent dans une logique de respect mutuel pour tout entendre eux aussi. La confiance se renforce alors entre dirigeants et dirigés. La compréhension des enjeux est ainsi mieux partagée : chacun s'approprie mieux les contraintes et opère de meilleurs choix, mieux compris par tous. Ainsi, par la réflexion collective, les acteurs entrent dans des logiques constructives d'invention d'un monde meilleur. Chacun peut alors déconstruire soi-même ses propres routines défensives et forger sa responsabilité, sa solidarité et la maîtrise de son destin individuel et collectif.

De fait, dans un monde en transitons rapides et multiples, il devient indispensable de développer la capacité de chaque personne et de chaque organisation, à réfléchir avec les autres pour mieux s'épanouir ensemble.

La performance globale d'une organisation ne dépend donc plus seulement des compétences techniques réunies, mais de plus en plus de la capacité des managers et des élus à faire réfléchir et à réfléchir avec tous leurs interlocuteurs. Dans la société et dans l'entreprise, le nouvel enjeu économique, politique et social consiste donc à affirmer une Raison d'être au service de tous, puis à impliquer chacun dans l'optimisation continue de sa mise en œuvre. Cette mutation du rôle et du profil du dirigeant s'impose comme une nouvelle compétence clé : montrer l'objectif à long terme et organiser la réflexion collective à grande échelle pour permettre à tous de choisir des étapes spécifiques et tracer des chemins convergents.

 

 

NOTES

(*) Afin d'éviter les écueils des faux dialogues générateurs de suspicion, de rupture et de conflits, La Tribune ouvre ses colonnes à l'Odissée. Pilotée par son directeur et expert de la dialectique, Jean-François Chantaraud, la chronique hebdomadaire « Ne nous fâchons pas ! » livre les concepts, les clés opérationnelles de la méthode en s'appuyant sur des cas pratiques et sur l'actualité.

L'Odissée, l'Organisation du Dialogue et de l'Intelligence Sociale dans la Société Et l'Entreprise, est un organisme bicéphale composé d'un centre de conseil et recherche (l'Odis) et d'une ONG reconnue d'Intérêt général (Les Amis de l'Odissée) dont l'objet consiste à "Faire progresser la démocratie dans tous les domaines et partout dans le monde".

Depuis 1990, l'Odissée conduit l'étude interactive permanente Comprendre et développer la Personne, l'Entreprise et la Société. Dès 1992, elle a diffusé un million de Cahiers de doléances, ce qui l'a conduit à organiser des groupes de travail regroupant des acteurs des sphères associative, sociale, politique, économique qui ont animé des centaines d'auditions, tables rondes, forums, tours de France citoyens, démarches de dialogue territorial et à l'intérieur des entreprises.

Video Youtube Jean-François Chantaraud

La Chronique du 19/04/2019 de la Tribune

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