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Chronique 12 - La transition énergétique, les gilets jaunes et le citoyen Par une volonté de limiter la consommation énergétique et la pollution, la crise des gilets jaunes a pour déclencheur la transition énergétique.

Il est devenu impossible d'imposer d'en haut de nouveaux modes de production et de consommation, de nouvelles relations interpersonnelles, professionnelles et citoyennes, de nouvelles organisations économiques, politiques et sociales. Le contrôle de cette révolution réside dans l'implication du citoyen dans la cité : c'est la quantité d'énergie au service de l'intérêt général qui est la racine du vivre ensemble et du réussir ensemble.

L'énergie, source de la société moderne

James Watt a inventé la machine à vapeur en 1784. Depuis deux siècles, la maîtrise de l'énergie a fait entrer l'humanité dans l'ère industrielle et a multiplié sa croissance économique et sociale par un saut qualitatif dans tous les domaines. Les hommes puisent sans retenue dans les ressources naturelles pour développer le mieux vivre et réussir ensemble. Néanmoins, si le quotidien est rendu plus sûr et plus agréable, des phénomènes se conjuguent pour bouleverser la société :

  • La progression scientifique et technique : l'élévation en cours des niveaux de savoir et de savoir-faire induit à la fois la spécialisation des territoires, ce qui génère l'éloignement entre les lieux de production et de consommation, et celle des acteurs, ce qui fait s'effacer les vocations derrière la maîtrise des gestes et processus techniques, Le secteur tertiaire rassemble désormais plus de 75 % des emplois en France, et l'industrie moins de 14%.
  • Les moyens de communication instantanée : sa fonction optimisée de récepteur multicanal acquise depuis peu par l'Homme s'accompagne d'un rôle nouveau d'émetteur d'alerte et d'idées, dont la pratique souvent erratique fait grande place à l'arbitraire, aux rumeurs, et donc aux incompréhensions et malentendus,
  • La rapidité des transports : le train en 1804, le vélo en 1817, la voiture en 1873, l'avion en 1897, la fusée, le drone... : la faiblesse du coût des transports accélère le franchissement des frontières spatiales,
  • La poussée démographique : L'espérance de vie a doublé en deux siècles, passant de 40 ans à 85 ans. La multiplication de la population mondiale par 10 en 2 siècles, passant de 1 milliard à 7,7 milliards et bientôt 10 milliards, constitue un facteur d'expansion pour les marchés, mais aussi de repli sur soi pour les personnes devenues anonymes dans la foule.

 

Des perturbations pour les personnes, les territoires et les entreprises

De ces troubles des repères découle un risque de désincarnation, de déracinement et de déshumanisation qui distend et déstabilise la relation entre les acteurs économiques, sociaux et politiques :

  • La montée des pollutions : la détérioration de la qualité de l'air, de l'eau, des sols corrélative à l'ère industrielle rend tous les producteurs et transporteurs premiers suspects d'atteinte massive à la santé de la faune, de la flore, de la planète et donc de l'humanité,
  • La multiplicité des stimuli : rangée parmi les nombreux émetteurs de bruit (mails, publicités...), l'entreprise voit ses messages noyés dans le flot continu d'informations,
  • La virtualisation des liens : l'émergence de nouvelles toiles sociales, le plus souvent faciles d'accès et dotées de leurs propres repères culturels, coexistantes plus qu'elles ne communiquent entre elles, ne produit pas d'objectivité spontanée : la fragmentation sociale confère plus de légitimité à la relation de proximité virtuelle qu'à la marque, souvent repérée pour défendre avant tout son propre intérêt,
  • Les sursauts identitaires : sans diagnostics partagés ni projets communs, avec des mémoires concurrentes qui s'affrontent sans se conjuguer, l'argument territorial - de proximité ou national - reste le plus compréhensible par tous.

Face à cette perte de sens collectif et en l'absence de méthode d'implication des acteurs dans la recherche de l'intérêt général, les systèmes traditionnels de gouvernance sont débordés : faute d'une coordination des idées et des initiatives, la société globale parait incapable de se doter de repères éclairants pour comprendre et développer à la fois la Personne, l'Entreprise et la Société.

L'énergie, source d'une société nouvelle

De plus, l'épuisement des matières premières et en particulier des énergies fossiles impose de focaliser les compétences et les potentiels vers l'invention de savoirs et savoir-faire, la mise au point de nouveaux services et métiers, la mise en œuvre de nouveaux modes organisationnels et relationnels, l'émergence de nouveaux comportements du citoyen-consommateur. Aussi, la transition énergétique se comprend en trois étages :

  • Technique. Charbon, Pétrole, gaz, hydraulique, marémotrice, nucléaire, éolien, biomasse, solaire... Si chacun peut consommer de l'énergie sans le savoir, il n'en va pas de même pour la production d'énergie qui suppose, bien au contraire, la maîtrise pointue de nombreuses techniques. Or, les enjeux financiers sont tels que la société tarde à accoucher de solutions pourtant plus indispensables chaque jour.
  • Ecologique. Mais si l'épuisement des ressources se sait, il ne se voit pas. Aussi, bien qu'omniprésente, la transition énergétique se réduit parfois à un chapitre de la transition écologique, dont l'urgence est plus visible avec l'éparpillement des déchets, les couleurs polluées du ciel, de l'eau et du sol, les bouleversements climatiques, l'affaissement de la biodiversité et de la qualité de l'alimentation. D'aucuns espèrent que la conscience des effets secondaires de l'énergie sur l'écologie contribuera à réunir les conditions favorables à l'émergence d'énergies nouvelles. Mais les politiques publiques restent en échec, avec les chefs d'État qui signent des accords sans les appliquer, ou avec le départ bouleversé d'un ministre de la transition écologique.
  • Citoyenneté. En démocratie, les élus sont soumis aux électeurs : la décision publique dépend de la conscience citoyenne. La société n'est donc pas le produit de la décision publique : à l'inverse, c'est la décision publique qui est le produit de la société, la société restant quant à elle le produit des actions quotidiennes de chaque personne. Il faut donc activer l'énergie de chaque acteur au service de l'intérêt général : stimuler l'énergie du citoyen dans la cité. Réussir la transition énergétique et la transition écologique repose donc sur un pré requis : la transition citoyenne, par laquelle chacun deviendra responsable de toute la cité.

 

La transition énergétique, clé de l'activation de la citoyenneté

Faire converger l'énergie de tous les acteurs nécessite d'ancrer les intérêts particuliers dans l'intérêt général, les vécus dans le souhaitable, les réalités dans l'idéal. Aussi, les complémentarités doivent être identifiées entre les différentes pratiques, expériences, expertises, savoir-faire, métier, fonctions et statut. Chaque citoyen est concerné et donc chaque producteur, chaque distributeur, chaque salarié, chaque consommateur doit être impliqué dans la préservation et l'augmentation de la santé et de la qualité de vie des personnes, des entreprises, de l'État, de la nature et de la société dans son ensemble. Il faut donc travailler dans chaque territoire à l'émergence de nouveaux liens entre les organismes privés et publics de tous les secteurs d'activité, avec toutes leurs parties prenantes, afin de repenser et réorganiser notre rapport à l'énergie de la matière et de l'Homme, inventer des concepts et mettre au point des solutions opérationnelles durables pour dépasser l'ère du jetable et de l'immédiateté.

Une méthode

Le remplacement du face à face  par le côte à côte suppose que chaque citoyen soit responsable de tous les citoyens. Reste à concevoir, piloter et déployer le processus qui abonde à la construction d'une société où il fait bon vivre ensemble. La méthode consiste à réfléchir avec tous à l'articulation des intérêts particuliers et territoriaux actuels et en devenir : dresser des cartes exhaustives des faits et des idées, puis identifier ensemble des cheminements sociaux, économiques, politiques, institutionnels et culturels pertinents.

Fort d'une vision collective accouchée ensemble en responsabilité de tous et en solidarité avec tous, chacun pourra alors décider de transformer ses propres modes de production et de consommation : cette évolution des mentalités et des rapports sociaux rendra possible le déploiement de politiques publiques qui viendront alimenter la spirale positive du tous pour un, un pour tous ! Alors, nous pourrons mettre un terme à l'affaissement de la société française et retrouver notre capacité d'innovation de dépassement des obstacles et reconstruire le plein emploi.

NOTES

(*) Afin d'éviter les écueils des faux dialogues générateurs de suspicion, de rupture et de conflits, La Tribune ouvre ses colonnes à l'Odissée. Pilotée par son directeur et expert de la dialectique, Jean-François Chantaraud, la chronique hebdomadaire « Ne nous fâchons pas ! » livre les concepts, les clés opérationnelles de la méthode en s'appuyant sur des cas pratiques et sur l'actualité.

L'Odissée, l'Organisation du Dialogue et de l'Intelligence Sociale dans la Société Et l'Entreprise, est un organisme bicéphale composé d'un centre de conseil et recherche (l'Odis) et d'une ONG reconnue d'Intérêt général (Les Amis de l'Odissée) dont l'objet consiste à "Faire progresser la démocratie dans tous les domaines et partout dans le monde".

Depuis 1990, l'Odissée conduit l'étude interactive permanente Comprendre et développer la Personne, l'Entreprise et la Société. Dès 1992, elle a diffusé un million de Cahiers de doléances, ce qui l'a conduit à organiser des groupes de travail regroupant des acteurs des sphères associative, sociale, politique, économique qui ont animé des centaines d'auditions, tables rondes, forums, tours de France citoyens, démarches de dialogue territorial et à l'intérieur des entreprises.

Vidéo Youtube de Jean-François Chantaraud

Chronique du 29/03/2019 La Tribune

 

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